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Belles outardes à outrance

Claude Bégin

Surnommée « outarde » par les premiers explorateurs français, la bernache du Canada, une sous-espèce de bernache de notre région, est la plus grande des oies noires. La confusion entre les noms « outarde » et « bernache » semble remonter aux premiers comptes rendus des navigateurs Jacques Cartier et Samuel de Champlain. Pour ces colonisateurs, cet oiseau aquatique aux pattes palmées et au bec rond ressemblait à l’outarde de l’Europe, un oiseau terrestre aux pattes non palmées et au bec pointu. Ancré dans notre culture, le mot « outarde » est encore utilisé de nos jours comme un simple nom vernaculaire. Depuis plus de deux siècles, cet oiseau est classé en taxonomie biologique sous le nom de « bernache du Canada », soit en latin « Branta canadensis ».

Dès l’automne, des bernaches se rassemblent en grands nombres pour migrer vers le sud. Pour certaines personnes, apercevoir une volée en forme de « V » de centaines d’oies noires et les entendre cacarder tout haut dans un ciel ensoleillé est tout un événement de joie. Cependant, ce ne sont pas toutes les bernaches qui migrent vers le sud. Depuis plusieurs années, des milliers de bernaches s’installent en permanence au Canada en bordure de nos parcs citadins. Ces endroits sont souvent à proximité de zones humides telles une rivière, un lac ou un étang. Puisque les renards et certains oiseaux chasseurs ont une présence de plus en plus rare en milieu urbain, les bernaches n’ont plus de prédateur à craindre. Celles-ci broutent paisiblement sur gazons et pelouses en se nourrissant principalement de plantes comme les graminées, l’herbe, le trèfle, les baies.

Did you know the Canada goose consumes (and excretes!) an average of 1.5 kg of grass per day? Sandy Hill teacher and artist Claude Bégin wonders if students may be up to the challenge of finding solutions to the nuisances and environmental problems caused by an increasing goose population in urban centres.
Photo: Claude Bégin

La population grandissante de ces bernaches est devenue problématique pour beaucoup d’usagers des parcs. Près de nous, notre beau parc Strathcona ne fait pas exception : marcheurs, cyclistes, pique-niqueurs, trouvent très désagréable de poser leurs pieds dans les fientes vertes de bernaches qui tachent! Les bernaches adultes peuvent manger plus de 1,5 kg d’herbe par jour et en libérer presque autant en matières fécales. Elles évacuent leurs selles partout causant un grave problème d’esthétique et de salubrité. Aucun doute, les belles bernaches polluent les sentiers pédestres, les pistes cyclables, les espaces verts désignés aires de détente ou de jeux, les plages et les bassins d’eau. Elles peuvent même parfois se montrer agressives envers les humains si elles se sentent dérangées.

Comment faire alors pour régler ce problème de surpopulation de bernaches dans nos parcs? Le gouvernement permet la chasse à la bernache pour sa viande dans certains milieux agricoles à l’automne, avec certificat de chasseur et permis nécessaires. Mais il n’est pas question de capturer la bernache dans les limites de la ville, même si plusieurs personnes dans le besoin accepteraient volontiers de se faire servir un bon bouilli à la bernache! Malgré de multiples efforts, à ce jour, aucune municipalité ne semble avoir trouvé la solution miracle à ce problème grandissant. Il faut noter toutefois que plusieurs autorités municipales se sont ingéniées à montrer leur bonne volonté avec différentes stratégies et techniques voulant éloigner les bernaches des zones urbaines, mais les résultats en demeurent très peu satisfaisants : drones, pétards, tirs d’armes à blanc, dispositifs à ultrasons, répulsifs naturels, bateaux miniatures téléguidés, installation de clôtures, grillages et filets temporaires, épouvantails et chiens de berger, destruction des nids et stérilisations des œufs. Tous ces moyens nécessitent des ressources financières et les coûts finissent par être absorbés par les contribuables. Effrayées, les bernaches s’éloignent et vont temporairement s’installer sur des terres avoisinantes et reviennent peu après aux mêmes endroits qu’avant!

De toute évidence aussi, on créerait un scandale si le gouvernement autorisait à grande échelle la chasse à la bernache en milieux urbains avec les contraintes s’y rapportant. Amants de la nature, écologistes, environnementalistes, « monteraient à coup sûr aux barricades et exposeraient la honte à s’attaquer à de si beaux animaux, entraînant toutes sortes de réactions excessives. Pour d’autres enfin, « afin de préserver une écologie saine et équilibrée, surtout en ce qui concerne les bassins et cours d’eau propres, l’abattage de ces oies noires serait la mesure draconienne à prendre.

Bref, pas facile de trouver la « meilleure solution. » Alors, pourquoi pas demander aux enseignants de de proposer à leurs élèves un projet sur cet enjeu? Qui sait, les solutions proposées par nos jeunes pourraient surprendre voire inspirer certains scientifiques de l’environnement et autorités gouvernementales en panne d’idées, non?

Illustration: Claude Bégin